Ce rapport intitulé «Zu wenig Geld: Bauern kritisieren Schweizer Klima-Projekt» (en français: «Trop peu d’argent: des paysans critiquent le projet climatique suisse») est le fruit d’un long processus: le premier contact entre les deux journalistes responsables et myclimate a eu lieu à l’automne 2022. Depuis lors, myclimate et son partenaire de projet Taking Root ont fait tout ce qui était possible à leur échelle pour soutenir les recherches. Nous avions notamment organisé une visite du projet, mais celle-ci n’a pas eu lieu car les journalistes n'ont pas pu entrer dans le pays. Les journalistes avaient en outre choisi eux-mêmes le projet concerné, myclimate leur ayant laissé carte blanche. myclimate a également répondu en détail à toutes les questions, donné des interviews et partagé les données et les documents du projet (tels que des contrats avec les agriculteurs participants).
Évaluation du rapport du point de vue de myclimate:
L’article a été rédigé dans le respect des normes journalistiques, mais ses reproches et critiques implicites sont très partiaux. myclimate s’oppose expressément aux reproches mentionnés et aux critiques véhiculées à l’encontre du projet.
En collaboration avec notre partenaire de projet Taking Root, nous rejetons catégoriquement le reproche d’une prétendue insatisfaction généralisée ou d’un traitement injuste des petits agriculteurs participants. Le projet implique des milliers de familles et doit notamment son succès à la popularisation locale par le bouche-à-oreille. Nous considérons qu’il est malhonnête de citer comme référence l’insatisfaction de moins de dix agriculteurs, qui ont d’ailleurs quitté le projet.
Nous sommes également en total désaccord avec l’affirmation sous-entendue selon laquelle le projet ne serait pas aussi efficace que ne l’avaient annoncé myclimate et Taking Root et que ne le contrôle régulièrement la norme Plan Vivo. La méthode utilisée par la SRF ne dit rien sur la croissance de la biomasse et ne tient pas la route face aux mesures sur place telles qu’elles sont effectuées chaque année par Taking Root. C’est ce que confirment expressément les scientifiques de l’EPF qui ont mené l’étude pour la SRF.
Nous ne comprenons pas non plus les doutes exprimés quant au manque de proximité et de contrôle vis-à-vis du projet, ainsi qu’à une mauvaise communication. Nous restons fermement convaincus, et nous nous référons ici au dernier rapport du GIEC, qu’une protection efficace du climat mondial doit impérativement s’accompagner d’une modification de l’utilisation des terres en général, vers des écosystèmes (forestiers) plus intacts et protégés.
Comme nous l’exposons dans la présente prise de position, nous pouvons réfuter toutes les critiques formulées à l’aide d’arguments factuels. Nous le faisons de manière condensée, point par point. Les différentes sections sont accessibles directement depuis les liens suivants. Sur demande, myclimate se fera un plaisir de vous communiquer une version longue contenant d’autres données, faits et arguments.
Feu vert pour les opposants – Nuisances pour le climat, les pionniers et la population locale
Finalement, nous regrettons vivement qu’un tel article d’«Investigativ», qui a nécessité beaucoup d’efforts de part et d’autre, mette en doute un projet de protection du climat extrêmement efficace depuis plus de dix ans et déstabilise en outre les gens au sujet de la protection du climat – en raison d’une sélection très partiale d’interlocuteurs/rices, d’une méthodologie qui suggère apparemment un contrôle de la réussite du projet depuis la Suisse, mais qui n’est pas apte à déterminer la croissance de la biomasse (stockage du carbone), et d’une procédure morcelée.
Bien entendu, il y a des points à améliorer dans chaque projet. Taking Root le fait progresser en permanence, ainsi que ses mécanismes de qualité. Étant soumis à une obligation de compensation en cas de défaillance d’une parcelle, ce qui implique des frais financiers, il est dans son intérêt vital d’aider autant que possible les participants et de prendre au sérieux d’éventuelles réclamations. Parallèlement, dans l’intérêt de l’intégrité du projet, la production de biomasse doit être garantie. En effet, myclimate s’engage notamment auprès de ses clientes et clients à soutenir une protection du climat efficace et démontrable.
La déstabilisation des entreprises et des particuliers, qui pourrait résulter d’un article que nous jugeons discutable d’un point de vue journalistique, ne profite justement qu’à celles et ceux qui réfutent depuis des années leurs responsabilités en matière de protection du climat. L’approche consistant à «faire du mieux l’ennemi du bien» se fait entièrement aux dépens de ceux qui s’engagent bénévolement (ou prévoient de le faire sous peu), et surtout aux dépens du climat et de la population des pays concernés par le projet, en l’occurrence le Nicaragua. Il est regrettable que la télévision prête peu d'attention aux arguments de myclimate malgré tout son travail, omettant ainsi de fournir des reportages justes, équitables et favorables à la protection du climat.
Aller à la qualification condensée des principaux points critiques
Complément: La protection du climat dans les pays en déficit démocratique
L’article reproche au projet de susciter l’insatisfaction parmi les agriculteurs participants. Nous le contredisons fermement. Le fait est que la participation est volontaire et se fait principalement par le bouche-à-oreille, avec des agriculteurs qui voient les résultats positifs de leurs collègues et demandent à participer aux programmes. En outre, de nombreux agriculteurs ayant participé au programme avec une seule parcelle ont acquis des parcelles au cours des années suivantes. La croissance soutenue du programme au cours des quinze dernières années témoigne clairement de la satisfaction des agriculteurs.
L’enquête a été menée auprès de onze paysannes et paysans, dont neuf ne participent pas ou plus au projet selon la SRF. Ce sont également ces neuf personnes qui émettent des critiques (deux d’entre elles sont citées dans l’article). Or, pour pouvoir formuler une affirmation fondée et sérieuse, il faudrait réaliser une étude représentative s’adressant principalement aux paysannes et paysans qui participent activement au projet. Il serait intéressant de savoir si les personnes interrogées – pour qui il s’agissait probablement de la première interview vidéo de leur vie avec des journalistes étrangers – ont eu recours au mécanisme de réclamation proposé.
Les journalistes n’ont pas soulevé de questions élémentaires dans leur rapport, par exemple combien de temps les agriculteurs concernés ont bénéficié du soutien du programme avant de le quitter, ou s’ils ont quitté en raison, par exemple, de mauvaises performances (ce qui prouverait justement le sérieux du programme). Il est compréhensible que les familles qui ont dû quitter le programme expriment leur mécontentement et cherchent des raisons qui ne relèvent pas de leur responsabilité. D’un point de vue journalistique, il est toutefois hautement discutable d’en tirer un point de critique.
Dans le cas d’un projet avec participation volontaire et exigence expresse d’investir du temps et du travail, il est tout à fait normal que certains participants se retirent, parfois avec mécontentement. Les 200 agriculteurs explicitement nommés par la SRF qui ont quitté le projet représentent une perte de surface de 8%, ce qui représente un taux de réussite de 92%; un excellent résultat pour un projet Nature-based Solutions, avec des milliers de participants, tributaire des conditions météorologiques. Le fait de ne pas le mentionner dans l’article est une grave omission et laisse une fausse impression auprès du public.
La participation au projet n’est pas juste purement facultative pour les familles nicaraguayennes, celles-ci ont aussi à tout moment la possibilité de quitter le programme, et ce, sans avoir à effectuer de quelconque remboursement. C’est aussi pour cette raison qu’il existe des mécanismes formels de réclamation pour résoudre rapidement les problèmes des agriculteurs. Ce dispositif relève notamment de l’intérêt vital de l’organisation Taking Root, qui doit remplacer à ses propres frais chaque parcelle perdue en raison de l’insatisfaction des participants.
Nous avons également beaucoup de mal à accepter les critiques et les déclarations de la biologiste Birgit Müller. Nous ne pouvons malheureusement pas déterminer si Mme Müller a été en contact avec des agriculteurs qui ont effectivement participé au projet. Cela ne semble pas plausible, car la norme Plan Vivo définit clairement, ou plus précisément exclut expressément la participation au projet des agriculteurs ne possédant que de très petites exploitations ou n’ayant aucune surface agricole inutilisée.
Ces indications permettent de conclure que Madame Müller n’a pas étudié en détail la norme Plan Vivo, qu’elle n’a pas non plus saisi le projet (très complexe, il est vrai) dans ses moindres détails et que les interlocuteurs qu’elle a mentionnés n’ont pas pu être impliqués dans le projet.
Nous regrettons de ne pas avoir pu nous entretenir avec Madame Müller avant la remise du rapport, afin de clarifier cette hypothèse et de répondre nous-mêmes à ses questions. Nous aurions attendu des journalistes qu’ils nous impliquent dans une recherche rigoureuse afin de vérifier et de clarifier la situation. Malheureusement, nous n’avons pas été entendus à ce sujet.
L’approche est compréhensible: tester la réussite d’un projet de reforestation ou son impact par «remote sensing», «de manière indépendante et quel que soit le lieu». La méthode NDVI (Normalized Difference Vegetation Index) présente toutefois des lacunes flagrantes à cet égard. Elle peut éventuellement compléter en partie la méthode actuellement utilisée sur le terrain, mais ne peut ni la remplacer, ni – et cela est essentiel pour la déclaration globale – remettre en question les résultats de cette coûteuse mesure sur place. Les données satellite et l’évaluation NDVI ne permettent pas de répondre à la question suivante: «Le carbone a-t-il vraiment été stocké comme cela a été indiqué?».
La méthode, telle qu’elle a été mise en œuvre par les chercheurs et chercheuses de l’EPFZ, semble en soi intègre et correctement appliquée. Cependant, l’interprétation des données est délicate et ne justifie pas une affirmation telle que celle impliquée dans le rapport. L’analyse des données satellite sur la zone du projet mandatée par la SRF ne permet tout simplement pas d’étayer l’affirmation selon laquelle la croissance des arbres serait faible dans la plupart des parcelles.
Pour simplifier, la méthode NDVI est un indicateur largement utilisé pour l’analyse de données satellite à grande échelle. Elle représente la «densité de vert» à l’intérieur d’un pixel d’une image satellite. Pour diverses raisons, cette «densité du vert» n’est pas une mesure fiable de la réussite du projet sur les surfaces concernées, car elle ne permet pas de faire la distinction entre les nouvelles plantations, les arbres et les autres «sources de vert». L’analyse montre seulement que le projet entraîne généralement une évolution positive dans la plupart des parcelles, mais les données disponibles ne permettent pas de déduire à quel point cette évolution est solide et résistante.
Il serait toutefois extrêmement souhaitable de mettre au point une méthode de détection à distance et d’analyse des données, et ce pour de nombreuses raisons; c’est d’ailleurs pour cela que Taking Root souhaite poursuivre le dialogue avec les chercheuses et chercheurs.
Notre équipe s’est déjà rendue sur place à deux reprises pour observer le projet soutenu et une autre visite est prévue cette année.
De plus, nous menons chaque trimestre des discussions de coordination directes avec l’équipe du projet de Taking Root. Son CEO rend compte en personne tous les deux ans à Zurich de l’avancement du projet. Les données de performance sont partagées avec nous de manière transparente par le partenaire de projet. En outre, nous travaillons en étroite collaboration avec d’autres organismes de soutien et soumettons le projet à un examen interne régulier. Le contrôle par l’équipe de conseil technique de Plan Vivo, crée encore un autre canal d’évaluation.
Ces méthodes d’évaluation exhaustives nous permettent de rester à jour tout en réduisant l’empreinte écologique due à des déplacements inutiles en avion. Étant donné que nous collaborons étroitement et en toute confiance avec Taking Root, nous n’avons aucune raison de renforcer le contrôle.
«La promesse d’un captage à long terme du CO₂dans les arbres n’est pas tenue, car il n’existe aucun mécanisme pour en garantir la permanence.»
C’est une affirmation que nous contredisons à nouveau vivement, car nous visons avec ce projet une utilisation des terres durablement modifiée, telle qu’elle fonctionne dans la sylviculture suisse depuis 1876. En outre, cette accusation contraste totalement avec le dernier rapport du Groupe d’experts sur l’évolution du climat.
Le rapport actuel du GIEC sur le climat mondial le montre clairement: sans une protection complète des forêts existantes, sans mesures de reforestation et sans mécanismes visant à rendre les forêts plus résilientes, nous n’atteindrons pas les objectifs climatiques (ni les objectifs en matière de biodiversité fixés dans le Protocole de Montréal).
Réduire le projet «Reforestation communautaire au Nicaragua» à la simple plantation d’arbres est une erreur, comme pour la plupart des autres projets dans le domaine de l’utilisation des terres et de la foresterie (LUF). Ces projets visent un changement durable à long terme dans l’utilisation du paysage. C’est pourquoi la «défaillance» de certains arbres n’est pas un critère décisif, contrairement à la vie et au développement constants de l’écosystème forestier et à l’augmentation de sa résistance.
Pour concrétiser ce changement, il faut inciter délibérément les paysannes et les paysans à préserver leurs forêts et à les gérer de manière durable. Par rapport aux solutions techniques, que l’on pourrait citer à titre comparatif dans
l’élimination du CO₂ de l’atmosphère, les forêts ont le potentiel de capter nettement plus de CO₂ tout en favorisant la biodiversité et en influençant la météo locale et ses effets.
Outre les projets de reforestation, des mécanismes efficaces de coexistence entre les terres agricoles et les forêts doivent être mis en place. Cela peut se faire par le biais d’obligations et d’interdictions, c’est-à-dire par des réglementations officielles, ou par des incitations économiques qui profitent à la population locale. C’est l’idée du projet au Nicaragua.
L’équipe de SRF Investigativ critique le fait que myclimate considère le projet comme lui appartenant dans sa communication. Nous insistons: ce n’est pas le cas. Sur le site Internet contenant la description du projet, les partenaires ou le propriétaire du projet, et donc sa structure, sont décrits explicitement.
Nous ajoutons également que nous entretenons des contacts très étroits depuis de nombreuses années avec bon nombre de nos projets. Ces contacts, parfois exclusifs, permettent souvent à de tels projets d’évoluer avec succès. De ce «lien étroit» découle également la vision qui s’exprime dans l’utilisation du terme «nos projets».
Les journalistes n’ont pas été autorisés à entrer au Nicaragua. Le Nicaragua est considéré comme un pays non démocratique – est-ce le bon endroit pour un tel projet?
La situation politique d’un pays est analysée et évaluée dans le cadre du processus de vérification rigoureuse préalable. Les possibilités de réduction des émissions ou d’économie de CO₂ et le développement durable des personnes concernées par le projet jouent un rôle central.
Une autre caractéristique essentielle de cette vérification et de notre suivi consiste à s’assurer qu’aucun financement destiné à des prestations de projets ou à des participants aux projets ne parvienne directement ou par des détours aux acteurs politiques. Par définition, nos partenaires de projet ne sont donc jamais des institutions étatiques ou proches du gouvernement, mais essentiellement des ONG, des entrepreneurs sociaux, des entreprises, etc.
Un doute sur le flux financier peut être une raison pour mettre un terme à une collaboration sur un projet, ce que nous avons décidé et mis en œuvre dans le cadre d’un projet antérieur dans un autre pays (Myanmar). Il s’agit d’une mesure ultime, drastique et douloureuse, car elle finit par faire souffrir des populations locales qui n’ont pas ou peu de responsabilité dans les phénomènes politiques.
Dans le cas du projet du Nicaragua, nous n’avons constaté aucun élément indiquant que la situation politique aurait un impact négatif sur le projet. Le projet ne collabore pas directement avec le gouvernement – il a simplement un protocole d’accord avec le gouvernement local et enregistre les parcelles de reforestation auprès de l’autorité forestière locale.
Il ne peut être du ressort d’une organisation de lutte contre le changement climatique d’imposer des sanctions politiques générales. Il s’agirait plutôt d’une mission – qui pourrait faire l’objet d’une investigation – confiée à de grandes entreprises internationales ou à des négociants en matières premières.
Il est peu probable que le gouvernement remarquerait notre retrait du projet, contrairement à la population locale qui profite grandement de sa mise en œuvre, et contrairement au climat et à la biodiversité.