Stefan Wagner et myclimate collaborent depuis longtemps déjà. Il est en effet le fondateur et 1er président de l’association «Sports for Future» ainsi qu’un «lobbyiste en faveur de la durabilité» auprès de la Bundesliga. En 2020, il a lancé la campagne «Sports4Tree» avec laquelle myclimate a noué un partenariat. Les instigateurs-trices veulent encourager le monde du sport à contribuer à la protection du climat. La fondation myclimate offre à travers son partenariat un soutien à celles et ceux qui œuvrent en faveur de projets de protection climatique de haute qualité. C’est précisément à ces projets que Stefan Wagner est venu jeter un œil dans le cadre d’une visite avec myclimate. Il nous fait part de ses impressions dans la tribune qui suit.
Dans le cadre du suivi de projet, des experts-tes du climat de myclimate se sont rendus sur place. Ce sont aussi ces personnes qui rendent possible l’étroite collaboration empreinte de confiance qui existe avec les partenaires externes ainsi qu’avec les individus et les communes sur place. Ces visites font partie du processus de contrôle qualité de myclimate au même titre que les audits externes, les évaluations d’organismes certificateurs et les mesures internes de diligence.
«Commerce d’indulgences», «équité mondiale», «pont vers la prévention» ou «Greenwashing» – des termes qui accompagnent souvent les débats autour de la compensation climatique.
Mais à quel point est-il pertinent d’obtenir une empreinte carbone positive à l’autre bout de la planète pour en compenser une négative sur place?
En septembre 2022, nous nous sommes rendus en Afrique de l’Est avec des collaborateurs de myclimate ainsi que WWF afin de nous faire une image plus concrète des projets que nous soutenons. Le voyage nous a conduits en Tanzanie, au Kenya et en Ouganda sur trois projets que nous finançons en tant que «Sports for Future», ainsi que sur un autre au Kenya, subventionné par le TSG Hoffenheim:
Notre première destination: la Tanzanie. Au sud-est du Serengeti se trouve la région lacustre d’Eyasi et la vallée de Yaeda. La zone est suffisamment éloignée des principales zones touristiques de safari et offre un cadre unique, fascinant et très rural. C’est là que vivent les Datoga et les Hadza, des tribus traditionnelles qui n’ont pas encore ajusté leur mode de vie aux tentations de notre monde.
Pour les Hadza, qui comptent quelque 1600 individus, faire des réserves est un concept inconnu. Ils partent tous les jours à la chasse l’arc à la main, récoltent des fruits, des racines ou du miel, ou restent tranquillement assis autour du feu. Par le passé, ils ont souvent été expulsés de leurs régions d’origine, notamment par les Massaï.
Le projet de protection forestier, réalisé sur place par «Carbon Tanzania» comprend une surface de 110 000 hectares au total. C’est de loin le plus gros projet du pays. 6000 hectares ont pu être protégés grâce aux moyens et aux dons de Sports for Future. Concrètement, l’on définit sur place avec les communautés locales les lieux qui peuvent être occupés, protégés et exploités ainsi que ceux qui doivent être protégés et rester entièrement intacts. Pour ce faire, on met des moyens financiers à disposition, lesquels sont utilisés selon les besoins pour des écoles ou des établissements de santé par exemple. On engage des gardes forestiers qui veillent au bon respect de la zone. En outre, on sécurise des droits territoriaux, comme ceux des Hadza, pour la toute première fois de leur longue tradition. Et lorsque l’on parcourt quelques heures durant leurs territoires, on commence à percevoir combien cela est important et combien ce mode de vie, qui nous semble parfois peut-être archaïque, est en fait emprunt d’une grande sagesse.
Notre route nous fait ensuite traverser les somptueux paysages du Serengeti, une zone située au nord du Masai Mara, la partie kenyane du Seregenti, qui nous mène dans la forêt de Chepalungu. En 2008, une zone forestière de 5000 hectares a été entièrement détruite lors d’une période d’instabilité politique. La conséquence : les affluents de la rivière Mara, unique source d’eau du Mara-Sergenti pendant la saison sèche, se sont taris et la nourriture pour le bétail a disparu. La désolation menaçait. Aussi, suite aux demandes de la population locale, WWF a commencé à reboiser la région. 350 000 arbres ont déjà été plantés, dont quelque 40 000 ont été mis en terre grâce à Sports for Future. Outre son impact climatique positif, ce projet est aussi d’une importance cruciale pour le microclimat et la préservation de cette réserve naturelle limitrophe unique.
Prochaine étape: un projet visant à protéger la forêt tropicale de Kakamega. Dernière forêt tropicale primaire du Kenya, celle-ci abrite une grande diversité d’animaux et de plantes aussi uniques que menacés. Le TSG Hoffenheim y a subventionné pour son empreinte carbone 3000 tonnes de cuisinières efficientes. Traditionnellement, la cuisine se fait sur un foyer à trois pierres, mais cette solution laisse s’échapper de grandes quantités de chaleur et nécessite donc beaucoup de bois. En installant des cuisinières avec une meilleure efficience, ce besoin diminue d’environ 50 %.
Autres avantages:
C’est à pied que nous avons traversé la frontière qui sépare le Kenya de l’Ouganda. Du bruit n’a pas tardé à se faire entendre: nous tombons nez à nez avec un camion qui diffuse de la musique, escorté par des motocyclettes arborant des drapeaux de l’Ouganda et déambulant au hasard des rues. L’Ouganda a un esprit particulier, une atmosphère envoûtante composée de musique et de danse. Après un passage par Kampala, la capitale, nous nous rendons à Hoima, près du lac Albert, dans l’ouest du pays. C’est aussi le point de départ du nouveau pipeline EACOP qui doit transporter du pétrole à travers l’Ouganda jusqu’au port de Tanga, en Tanzanie.
C’est là que vivent des milliers de petits agriculteurs – jusqu’à 21 000 seront à l’avenir impliqué dans le projet de reboisement de myclimate et Ecotrust en tant qu’ONG locale. Ils consacrent une partie de leurs parcelles d’environ un hectare en moyenne à des bosquets. Certains de ces bosquets s’assemblent afin de former des corridors pour la faune sauvage entre des zones forestières autrefois connectées. Grâce à Sports for Future et au ticket climat du TSG Hoffenheim, quelque 40 000 arbres ont pu être plantés.
Lors d’une visite, l’un des petits agriculteurs nous a demandé quand nous viendrions chercher le CO2 qu’il pense que nous avons acheté. De prime abord, cela prête à sourire et semble être une question «un peu bête». Mais la situation s’est relativisée très rapidement d’une manière particulière. Il s’est excusé pour la simplicité de sa hutte avant de nous expliquer que cela avait été très important pour lui d’acheter, grâce aux recettes du projet, cinq poules et trois chèvres, en plus de pouvoir envoyer ses 14 enfants à l’école. Lui n’y est jamais allé.
C’est à ce moment-là que nous avons réalisé que nos critères d’évaluation étaient loin d’être suffisants pour catégoriser des projets de ce type. Le terme de «projet de protection du climat» omet tout un aspect du problème. Il est aussi toujours question d’améliorer les conditions de vie des populations autochtones.
Pour finir, nous avons rendu visite à un groupe de femmes qui gèrent une pépinière pour ces petits agriculteurs. Elles ont entre autres expliqué que le problème de la «violence domestique» s’était amélioré, car le projet de reboisement leur avait offert une perspective à de nombreux égards. À la maison, on rit et on chante plus que jamais.
Et elles nous ont aussi fait part de leurs craintes. De la peur que tout leur travail, les arbres plantés et leur communauté puissent être réduits à néant dans un éventuel accident en lien avec le pipeline EACOP. Un pipeline qui, comme la crise climatique, est avant tout le fruit de notre mode de vie…