C’est parti:
- Selon toi, pourquoi devrait-il y avoir moins de surfaces bitumées?
Car nous renforçons ainsi la qualité de vie en veillant à ce que nos places, centres, bordures de chemins, etc., soient au plus près de la nature. Cela nous permet de réduire la chaleur et de stocker l’eau sur place, au lieu de l’évacuer directement dans les canalisations voire de nous retrouver avec des surfaces inondées lors de pluies diluviennes. Puis nous créons aussi des habitats pour la faune et la flore.
- Qu’est-ce qui t’a motivée à t’engager comme casseuse d’asphalte et à débitumer des surfaces?
Le besoin de prendre les choses en main et de faire partie de la solution en aidant les individus à adapter leur environnement au changement climatique tout en favorisant la biodiversité dans les espaces urbains.
- À quels défis et préjugés dois-tu faire face lorsque tu tentes de convaincre les propriétaires? Quels sont tes arguments clés?
Que cela est moins cher et compliqué que ce que l’on pense, notamment parce que nous nous occupons de tout: conseil, respect des obligations, recherche d’entreprises partenaires pour les travaux proprement dits et élimination adéquate de l’asphalte. Mon argument clé, c’est que l’on crée non seulement un environnement plus beau pour soi, mais que l’on restitue aussi quelque chose à la nature tout en agissant contre la chaleur la journée comme la nuit.
- Quels changements aimerais-tu voir à l’avenir en matière d’urbanisme?
Les nouvelles problématiques auxquelles nous faisons face dans les zones urbaines sont devenues si complexes qu’il est aujourd’hui nécessaire de repenser et de réinterpréter les normes jusqu’à maintenant courantes, notamment parce que la législation est à la traîne, ce qui est compréhensible. L’idéal serait de repenser l’espace: dans un premier temps en tant que zone de rencontre pour les individus qui voudraient y passer du temps et en tant qu’habitat pour la faune. Ensuite, j’aimerais le développer pour les personnes à pied et à vélo ou pour les transports en commun et ce n’est qu’en dernier lieu qu’il serait question du trafic de transit qui ne vit pas ici et ne contribue pas à la création de valeur. Cela commence par le cycle naturel de l’eau, puis passe par les canalisations souterraines et par des actions de plantation d’arbres, et va jusqu’à l’aménagement de parcs et de l’espace public en général. Au regard de tous les défis que nous rencontrons, j’aimerais que nous fassions preuve de plus de pragmatisme, mais aussi que nous ayons plus le courage d’expérimenter et d’opter pour des approches interdisciplinaires. J’espère ne pas paraître présomptueuse… J’ai conscience qu’une planification urbaine réussie, en outre d’être soumise à des obligations politiques, est un exercice très rigoureux et j’ai beaucoup de respect pour cette discipline. Mais le fond de ma pensée reste le même: plus d’audace, plus d’humain au centre.
- Quelles surfaces de Zurich rêverais-tu de débitumer?
Toutes celles qui ont été bitumées sans raison, dès lors qu’elles sont ensuite aménagées en zone de verdure naturelle. Ne miser que sur des solutions techniques est loin d’être suffisant. Dans toute la Suisse… Et à travers toute l’Europe dans le réseau.
- Où trouves-tu généralement l’inspiration pour ton travail?
Cela change tout le temps. En ce moment, c’est la ville éponge en tant que telle ainsi que certaines entreprises de l’économie privée ou directeurs d’administration qui agissent – ceux qui ont un objectif clair qu’ils souhaitent atteindre en commun avec d’autres et qui restent disposés à ajuster le processus en permanence.
En matière de ville éponge, on en fait beaucoup, on investit des sommes importantes. Cependant, on ne la pense pas toujours de manière holistique. Lorsque nous adaptons notre environnement au changement climatique, il est judicieux d’en profiter pour créer des surfaces pertinentes sur le plan écologique. L’ingénierie ne doit plus être uniquement axée sur le béton.
Il convient aussi d’intégrer climat et la nature, qui doivent être considérés comme un ensemble, parce qu’ils forment un tout. Sinon, nous risquerions de passer à côté de grandes opportunités, ce qui va nous coûter très cher en fin de compte. Un petit exemple où l’on trouve des synergies: si nous construisons dans tous les cas un circuit de chauffage urbain et cassons la moitié de la ville, profitons-en et demandons-nous si nous sommes obligés de la rebitumer derrière. Souvent, une simple piste suffit.
- Que peuvent faire les actrices et acteurs du domaine de l’environnement pour favoriser la réflexion commune autour de la biodiversité, de l’adaptation au climat et de la protection du climat et pour que le fruit de cette démarche puisse être mis en œuvre?
Parler, expliquer, sensibiliser, faire prendre conscience que tout est lié. Montrer à quel point les écosystèmes sont importants pour notre système économique, qui ne manquera pas de s’effondrer si l’on continue cette politique du «comme jusqu’à maintenant».
La nature est notre plus grand allié lorsqu’il est question de faire preuve de résilience et de créer un environnement sain, notamment pour faire face aux conditions météorologiques extrêmes que l’avenir nous réserve. Et cela profite à tout le monde.